Pari - 29 juin 2081
Il n'y a rien de plus terrifiant qu'une date. Rien de plus insipide et factuel, pourtant.
Lorsque j'étais enfant, une simple étiquette de date de péremption indiquant la décennie suivante m'avait alors mis dans les transes de la mort : "Septembre 1991 ? Mais ça n'arrivera jamais !"
A la différence des années de vie terrestre ("j'ai 24 ans") ou des périodes historiques, une date semble être le jalon universel définitif censé apporter son lot de désolation, d'espoir, de basculement, quelque soit le calendrier choisi. Il s'avère néanmoins que le messianisme - légèrement marketing - apporté par l'an 2000 (et son passage d'un millénaire d'obscurité à un millénaire de lumière, ou inversement) a permis à une grosse partie de l'humanité de se caler temporairement sur le calendrier chrétien, non pas par choix religieux mais pour que chacun se figure au moment de l'énoncé d'une date : "c'était l'année où... juste avant que..."
Les historiens s'avèrent souvent beaucoup plus passionnés par ces années avant le basculement que par les périodes de référence. Certes, nous connaissons les dates et principaux événements de toutes les guerres mondiales, mais que s'est-il passé légèrement avant ? Comment l'insouciance et l’inconscience ont-elles pu faire place à l'annihilation ? Tout ceci était-il prévisible ? Le fruit d'un long parcours de plusieurs décennies qui inéluctablement devait mener à tout cela ? Un livre tel que "Les Somnambules" de Christopher Clark écrit au début des années 10, qui revient sur tous les signes avant-coureurs du premier conflit mondial, exprime parfaitement l'idée d'un devenir latent et multifactoriel : un simple événement n'amène pas tout son lot de conséquences, mais plutôt un long cheminement combiné à de nombreux hasards et à un timing parfait.
Une goutte a été déviée par le vent, elle a atteint le vase qui a débordé. C'était en 1914, c'était en 2017, c'était en 2081.
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Ce blog sera - je l'espère - l'occasion de revenir sur tous les aléas d'un XXIème presque finissant qui fut particulièrement chargé émotionnellement là où l'on pensait que le plus éprouvant avait déjà eu lieu au milieu du siècle précédent.
Il me sera difficile de restreindre mon amour pour le football et la musique, mes deux grandes passions, ainsi que pour les événements socio-politiques majeurs ou mineurs de notre ère. L'occasion de faire des aller-retour plus ou moins pertinents entre un passé qui nous avait déjà donné toutes les clefs et un futur qui s'annonçait prometteur et/ou apocalyptique, mais qui fut au final dérangeant et prévisible.
Si nous sommes "somnambules" de notre temps, peut-être les dates sont-elles les "détails" que nous remémorons de nos sommeils paradoxaux, ou les preuves tangibles du lien intemporel et universel qui nous unit depuis des millions d'années sans que nous en ayons la conscience ? Il est peut-être trop tôt pour en parler...
Manuel Goldstein