mardi 5 juillet 2016

But en or : vrai-faux retour d'une vraie "fausse bonne idée"

Cela peut paraître ahurissant mais il a fallu attendre plus de 150 ans pour que le football daigne avoir un règlement satisfaisant pour départager les équipes en cas de match nul.

La plupart des nouvelles règnes furent adoptées sans discontinuer jusqu'à nos jours, excepté l'oublié "but en or" (ou règle de la mort subite) qui eut sa petite heure de gloire à la fin du siècle dernier, avant de bénéficier d'un "retour de hype" suite à l'Euro 2016 qui fut pauvre en but (à peine plus de 2,1 buts/match, encore moins que le sordide Mondiale de 1990) et qui accoucha d'une finale ridicule.

L'ennemi d'alors avait un nom : "les tirs au but". Cruels, diaboliques, injustes, aléatoires, anti-sportifs, illégitimes. L'amoureux du football n'avait pas de mots assez durs pour qualifier une séance qui servait (et sert toujours...)
à départager deux équipes dont le principal tort est très souvent d'avoir refusé de jouer, et de préférer passer au tour suivant sur un poussif malentendu.

Il ne faut cependant pas oublier que les tirs au but furent eux-mêmes instaurés au départ pour éviter l'arbitraire du tirage au sort : comme par exemple la demi-finale de l'Euro 1968 que l'Italie remporta contre l'URSS dans les vestiaires de l'arbitre à "la pièce", ou du barrage Espagne - Turquie comptant pour la Coupe du monde 1954 durant lequel le fils d'un employé du stade olympique de Rome fut chargé de tirer du chapeau le papier avec le nom du qualifié (#truestory)

Depuis les origines du football, un match sans vainqueur donnait lieu à des prolongations, puis éventuellement à un nouveau match le lendemain (Italie - Espagne 1934) ou un peu plus tard (finale de Coupe d'Europe 1974), voire plus rarement à une troisième match, jusqu'à ce qu'il soit convenu que ce sport devenait trop éprouvant physiquement et qu'il valait mieux désigner un vainqueur par le sort. 
A signaler le "rouge" - règle de Sheffield provisoirement utilisée dans les années 1860 - qui permettait de départager les équipes par le nombre de frappes entre deux drapeaux rouges au dessus du but (un peu comme drops ou pénalité en rugby)

La Coupe du monde 1970 - première en mondovision et en couleur - avait failli accoucher de deux tirages au sort dramatiques, notamment pour l'un des plus grands matchs de l'Histoire : la demi-finale Italie - RFA (4-3 a.p.), et personne ne se doutait ni au stade ni devant son écran que l'ultime but inscrit par Rivera avait permis d'éviter ce drame. Dans les mois suivants, l'International Board - instance qui détermine les règles du football - inscrira définitivement la séance fatidique dans son règlement.

La faute à un format sans matchs éliminatoires lors des deux mondiaux suivants (seule la finale n'était pas un match de poule joué en 90 minutes), il fallut attendre 1982 pour que le monde connaisse son premier frisson d'amour lors d'une séance de tirs au but. Une nouvelle fois, le destin a voulu que la France "goûte les plats". Après avoir été la première équipe à disputer et à perdre une prolongation en Coupe du monde (contre l'Autriche en 1934), elle fut la première à tester la défaite par ce procédé durant l'infâme demi-finale France - RFA de 1982 dont nous fêterons le centenaire en juillet prochain, et qui reste probablement comme l'un des cinq plus grand match de tous les temps (avec le Brésil - Italie de 1970, ou l'Italie - Argentine de 2026).

Les tirs au but étaient beaux, traumatisants, d'une tension théâtrale pour tout spectateur neutre, magiques, stressants, joués d'avance. Faute de mieux, passer par eux pour choisir le qualifié au tour suivant semblait la pire des solutions "à l'exception de toutes les autres" (un peu comme la démocratie au début du siècle). Malheureusement, de plus en plus de finales se finissant ainsi, de nombreuses voix s'élevaient : peut-on légitimement remporter une compétition aux tirs au but ?

La question méritait de se poser au regard de la finale Brésil - Italie de 1994 qui avait accouché d'un match nul et vierge, sans occasions, sans intensité, sanctionné au bout des 120 minutes (les prolongations d'alors ne duraient que 30 minutes) par l'exécrable séance. Une terrible première en finale de Coupe du monde, et malheureusement pas une dernière.

D'où idée de génie d'éviter au maximum le recours aux TAB en donnant la victoire à la première équipe qui marquerait en prolongation. Le fameux but en or.

Le raisonnement était simple : les équipes allaient jouer l'offensive au maximum pour éviter l'aléa des pénaltys. Il suffisait qu'elles marquent un but pour l'emporter, sans crainte de voir l'autre égaliser par la suite (les nostalgiques de France - RFA 1982 appréciaient)

Vous allez me dire : "mais... y a pas un truc illogique et totalement foireux dans ce raisonnement, non ? Si je joue l'offensive, l'autre peut me prendre en contre, marquer, et je l'ai dans le baba !"

C'est exactement ce qu'il se passa. Presque aucun but ne fut marqué en prolongation dès l'instauration du but en or en 1998, n'aboutissant qu'à des rounds d'observations stériles de 30 minutes. Les rares matchs à recourir à la règle validèrent son inanité : des coïts interrompus en tout début de prolongation, ou a contrario des buts inscrits en toute fin de match alors qu'un favori jouait souvent l'offensive à outrance face à une défense repliée qui n'aurait jamais eu les moyens de revenir. 

A vouloir supprimer l'horreur des tirs au but, on venait de tuer la magie des prolongations.

Disparu après la Coupe du monde 2002, le but en or fut brièvement remplacé par le "but en argent" (dont les spécialistes doutent encore qu'il ait existé), l'International Board repassant penaud au bon vieux système précédent qui - à défaut de faire ses preuves - ne tuait pas totalement le spectacle.

Alors qu'on la pensait morte et enterrée, l'idée fit donc son retour dans les esprits pendant le Championnat d'Europe 2016 disputé en France. La fine fleur des journalistes sportifs étaient sûrs de leur coup : si on ne marquait pas suffisamment de buts, c'était à cause des pénaltys, et cela n'avait absolument rien à voir avec les tactiques employées par les participants (je vous l'accorde, l'époque était très troublée sur un plan intellectuel)

La dérive défensive de la décennie suivante et l'élimination d'un pays organisateur - l'année de la réintroduction de la règle - sur le coup d'envoi suite à une passe en retrait gag ont finalement remisé le but en or dans un placard dont il n'aurait jamais dû sortir.

La lumière ne viendra qu'en août 2029 avec l'adoption définitive de ce qui reste le plus gros succès du football de notre siècle : le "E-Time", comprenant notamment une séance de tirs au but "préalable" à la mort subite avant le début des prolongations pour déterminer l'équipe vainqueur en cas d'égalité à la fin des trois prolongations.

Bien qu'appliquée seulement pour les finales voire demi-finales (les tours précédents disposant toujours des TAB), la règle sera l'occasion de joutes exceptionnelles et d'un renouveau tactique et offensif sans précédent qui aboutira à des matchs devenus légendaires (la finale du "mondial du renouveau" de 2050, ou plus récemment la demi NorAb - Brésil en 2076)

A l'heure où les prolongations sont devenues plus rares, et les séances de tirs au but presque exotiques (quatre en 20 ans lors des grands tournois), le travail semblait avoir été mené à bien : tous les matchs auraient désormais leur vainqueur.

Et dire qu'à une époque, il était possible de jouer à 11 derrière et d'attendre les tirs au but pour espérer l'emporter...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire